Auvergne : la légende du lac Pavin, par Juliette Norel
Le lac Pavin : là où les murmures des âmes rencontrent l’écho des eaux
Si un jour, vous empruntez avec nous les chemins secrets des volcans d’Auvergne, vous finirez par tomber sur un joyau sombre, presque intemporel : le lac Pavin. Il repose là, impassible, comme un miroir d’encre tendu entre le ciel et la terre. On l’appelle Pavin, du latin Pavens, « épouvantable ». Déjà, ce nom semble chuchoter une sinistre mise en garde : ici, le mystère est roi, et le moindre souffle de vent peut réveiller les légendes assoupies.
On raconte que, jadis, une ville se dressait fièrement à l’endroit même où s’étendent aujourd’hui ces eaux silencieuses. Une ville vibrante, mais stigmatisée dans sa chair pour des plaisirs jugés dépravés. Ce sont évidemment les femmes, belles et insoumises, que l’on accusait. Leur rire, disait-on, portait en lui une insolence dangereuse. Leur liberté d’aimer devenait, dans les murmures pieux, une menace à l’ordre divin. Cela vous rappelle-t-il quelqu’un ? Moi, je ne peux m’empêcher de penser à Ève, accusée d’avoir entraîné l’humanité dans sa chute. Ou Élise, bannie pour un amour interdit.
Bref. Nous sommes ici, sur les bords du lac. Les femmes de Besse, attirèrent sur elles la colère divine et comme toujours, le châtiment ne tarda pas. Dieu, dans une rage impitoyable, aurait ouvert les cieux. Un déluge s’abattit, noyant la ville entière sous un raz-de-marée furieux. Les femmes, les hommes, les enfants… aucun ne fut épargné. Aujourd’hui encore, les anciens murmurent que, parfois, lorsque le ciel est limpide et que le vent se tait, les plus audacieux peuvent apercevoir le clocher émerger des eaux, comme un doigt accusateur pointé vers les cieux. Mais attention : fixer trop longtemps ce sanctuaire englouti, c’est risquer d’attirer l’attention de ceux qui y reposent…
Et ce n’est pas tout.
Les eaux immobiles du Pavin vibrent d’un passé troublé. On raconte que ceux qui osent y jeter une pierre réveillent son courroux. Le ciel s’assombrit, un vent glacé se lève, et un épais brouillard recouvre tout, comme si le lac lui-même protestait contre cette intrusion. N’est-il pas fascinant qu’après des siècles, la nature semble encore protéger ce lieu de la curiosité des vivants ?
Mais revenons à ces femmes, condamnées d’avoir aimé, d’avoir osé exister. Leur sort résonne avec tant d’autres histoires, où l’on préfère faire d’elles des tentatrices, des coupables idéales, plutôt que d’affronter les vérités de leur liberté. À travers le lac Pavin, ce sont aussi ces jugements injustes que nous entendons résonner, comme un écho de sacristie bannie au royaume d’Hadès.
Et pourtant, malgré ces obscurs récits, le lac possède une beauté hypnotique. Le jour, ses eaux sombres emprisonnent la lumière, comme un secret glissant dans le creux d’un murmure.
La nuit, sous le clair de lune, elles semblent chanter doucement, une triste mélopée.
Serait-ce la supplique des âmes prises au piège du passé ?
Ou simplement la magie d’un endroit où le temps semble suspendu ?
Si vous avez l’âme d’un rêveur ou d’un poète, peut-être vous laisserez-vous charmer par ce lieu envoûtant. Mais soyez prévenu : le lac Pavin ne dévoile ses secrets qu’à ceux qui savent écouter. Et parfois, ce qu’on y entend peut changer la manière dont on regarde le monde – et soi-même.
Auvergne : la légende du lac Pavin, par Jean-Christophe Mojard
La colère des Cieux sur Pavin
Insolente et rebelle aux préceptes divins,
La ville se dressait de fierté, d’opulence.
Le luxe et les excès, par le sexe et le vin,
Faisaient oublier Dieu dans cette turbulence.
« Trouvez la repentance en allant à confesse,
Ou vous serez punis par colère divine ! »,
Déclara un ermite, comme unique promesse
D’un courroux à venir aux âmes citadines.
La menace tomba dans l’oreille des sourds
Aux choses sans rapport à la fornication,
Si bien que, sur Pavin, vinrent des nuages lourds,
Et les eaux engloutirent la moindre habitation.
Aujourd’hui, sous le lac, les damnés font silence,
Espérant le pardon par les hommes de Dieu.
Mais lorsque les tempêtes rugissent avec violence
On entend les sanglots mouillés des malheureux.
Ne jetez pas la pierre, en ces eaux mortuaires,
Sans craindre de troubler les vœux de repentance,
Car le brouillard viendrait vous draper tel un suaire,
Et vous ferait sombrer au cœur de la sentence.
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